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Nature et biologie | Le 17 juillet 2022, par The Conversation (France). Temps de lecture : neuf minutes.


Comment les oiseaux et les abeilles aident-ils les plantations de café ?

Les bienfaits de l’interaction entre la faune et la flore dans les plantations de café

Oiseaux et abeilles jouent un rôle bien connu dans l’agriculture ; et en particulier dans le cas de la culture du café (Coffea arabica), une plante fragile et sujette à de nombreuses maladies et parasites. Une étude récente, publiée en avril 2022, a cherché à déterminer le rôle précis des oiseaux dans la lutte contre le parasitisme du café, et celui des abeilles dans la pollinisation des plantations. Les deux espèces animales jouent en effet un rôle dans la fructification du caféier, et permettent de lutter contre un parasite, le scolyte du caféier, qui s’attaque aux cerises de l’arbuste. L’étude montre que l’effet conjugué des abeilles et des oiseaux améliore le rendement des plantations à hauteur de 24,7 % : un excellent exemple du rôle majeur joué par la faune sauvage des écosystèmes dans les activités humaines.

(Image de l'article n°171 : )
© Sambuc éditeur, 2024

Siroter un café sur le chemin du travail est un rituel que la plupart des gens considèrent comme acquis, sans plus songer à la façon dont les délicieux grains de café atteignent leur tasse. On sait probablement que le café provient des régions tropicales. Mais ce que l’on sait moins, c’est que la culture de cette plante est le produit d’un partenariat privilégié entre les oiseaux et les abeilles.

Une étude récente1 a cherché à savoir comment les oiseaux aidaient à contrôler le parasitisme du caféier, et comment les abeilles pouvaient améliorer la pollinisation des plantations. La recherche a montré comment la collaboration avec la faune peut aider les producteurs de café à améliorer leur pratique agricole et gagner mieux leur vie. Et ce n’est là qu’un exemple des avantages que la nature nous offre, et que nous considérons comme acquis.

Les écosystèmes naturels purifient l’eau que nous buvons et l’air que nous respirons, limitent l’expansion des maladies, et les réserves naturelles nous offrent des espaces exceptionnels pour nos loisirs. La nature procure également à l’homme des avantages financiers directs. Par exemple, la pollinisation des cultures par les abeilles2 et d’autres pollinisateurs tels que les oiseaux représente à l’échelle mondiale l’équivalent de 193 milliards d’euros. Des estimations récentes montrent que 75 % des principales cultures alimentaires mondiales3, comme les pommes de terre, le soja et les tomates, dépendent de la pollinisation animale.

Une denrée très prisée

Parmi ces cultures alimentaires, on trouve le caféier, une plante tropicale majeure dont la valeur d’exportation mondiale s’élevait à 24 milliards de dollars américains en 20124. Environ 20 à 25 millions de ménages dépendent de la culture du café pour leur subsistance5, soit d’une économie qui inclut les négociants, les exportateurs, les agriculteurs et les baristas des cafés.


Abeille butinant une fleur de café. iStock.com / riderfoot

Bien que le caféier Arabica (Coffea arabica) puisse s’autopolliniser, les pollinisateurs augmentent la nouaison (lorsqu’une fleur se transforme en fruit), la taille et le rendement. D’autre part, les agriculteurs considèrent souvent les oiseaux comme une espèce nuisible, qui mange les graines et détruit les cultures6. Mais les oiseaux se nourrissent en fait du scolyte des cerises du café (Hypothenemus hampei Ferrari), un petit coléoptère qui est l’un des ravageurs les plus nuisibles aux cultures de café.

L’interaction synergique des pollinisateurs

Dans 30 petites exploitations de café au Costa Rica, les chercheurs ont comparé la croissance des cultures lorsqu’elles étaient coupées des oiseaux et des abeilles. L’expérience a aidé les chercheurs à quantifier la valeur économique de la lutte contre les parasites, de la pollinisation et de l’effet combiné sur la production de café.

Sur chaque site, quatre plantes ont été entourées d’un filet en plastique suffisamment petit pour exclure les oiseaux se nourrissant de feuillage, mais suffisamment grand pour permettre aux abeilles et autres petits animaux d’accéder à la plante. Les quatre autres plants n’ont pas été protégés. Sur chacune des huit plantes, quatre branches similaires ont été sélectionnées, et les abeilles ont été exclues de la visite des fleurs sur ces branches par des sacs de gaze à mailles fines en nylon.

Les résultats ont montré que les oiseaux et les abeilles avaient augmenté la nouaison et le poids des fruits de 4 à 11 % et diminué l’infestation par le broca (autre nom du scolyte du caféier). Ces effets étaient plus importants lorsque les oiseaux et les abeilles étaient tous deux admis à visiter les plants de caféiers. Les auteurs de l’étude estiment que l’exclusion des oiseaux et des abeilles entraînerait une perte de rendement moyenne de 24,7 %, ce qui équivaut à une perte de 1066 $ par hectare (1056 €/ha).

On parle d’interactions synergiques lorsque deux processus se connectent et que le résultat ou le produit est supérieur à la somme des effets séparés. Les interactions entre différents animaux pollinisateurs peuvent améliorer les rendements. Les abeilles domestiques élevées par les apiculteurs sont parfois utilisées pour polliniser les cultures. La présence d’abeilles sauvages peut interagir avec le comportement des abeilles domestiques ; par exemple, les différents types d’abeilles peuvent suivre des modes de recherche de nourriture différents, ce qui entraîne une augmentation globale des mouvements et des vols de ces insectes. Ce comportement peut entraîner une augmentation significative du rendement des cultures dans les vergers d’amandiers7.

Environ 35 à 40 % des récoltes potentielles dans le monde sont détruites par des parasites8, tels que le criquet pèlerin (Schistocerca gregaria) ou la chenille légionnaire d’Afrique (Spodoptera exempta). Ces insectes constituent une collation savoureuse pour les oiseaux9. Les oiseaux aident également à disperser les graines10. Lorsque nous protégeons la nature, nous nous aidons nous-mêmes.

Le café est cultivé dans certains des habitats les plus riches en faune sauvage de la planète, mais les méthodes agricoles tendent à s’intensifier. Cela menace les espèces d’oiseaux qui sont déjà répertoriées comme préoccupantes en matière de conservation, telles que les parulines azurées (Setophaga cerulea) et à ailes dorées (Vermivora chrysoptera)11. Beaucoup de ces espèces d’oiseaux dépendent des insectes provenant des forêts qui ont été largement remplacées par des exploitations de café. Une des façons d’aider la faune dans les exploitations agricoles est ce qu’on appelle le café d’ombre, où l’arbuste est planté sous une canopée d’arbres. Ces arbres d’ombrages offrent non seulement un habitat aux oiseaux et aux insectes dont ils se nourrissent, mais produisent également un café de meilleure qualité12. Les plantations de café d’ombre aident aussi les espèces de primates menacées, comme le nycticèbe de Java (Nycticebus javanicus).


Paruline azurée (Setophaga cerulea) gobant une chenille. iStock.com / ps50ace

Les défenseurs de la nature doivent aider les agriculteurs à concevoir des plantations qui équilibrent les besoins de la faune et de la flore tout en réalisant un bon profit. L’agriculture intensive constitue un problème pour la faune sauvage plus près de chez nous également. Au Royaume-Uni, les populations d’oiseaux des terres agricoles d’espèces telles que les tourterelles (Streptopelia turtur) et les alouettes des champs (Alauda arvensis) se sont effondrées13. Les agriculteurs peuvent largement améliorer l’effet de leur activité sur la nature en laissant des parcelles de prairies non cultivées et de fruticées à la façon des bocages14. Mais ils auront besoin de soutiens institutionnels pour compenser les baisses de leurs récoltes.


The Conversation (France)


Les auteurs

Claudia Wascher, Professeur associé en biologie comportementale, Université Anglia Ruskin.

Thomas Ings, Professeur associé, Université Anglia Ruskin.

Publication originale : le 5 juillet 2022.

Notes et références bibliographiques

Note 1. Alejandra Martínez-Salinas et al., « Interacting pest control and pollination services in coffee systems », PNAS, vol. 119, no 15, 4 avril 2022.

Note 2. Rafaella Guimarães Porto et al., « Pollination ecosystem services: A comprehensive review of economic values, research funding and policy actions », Food Security, vol. 12, p. 1425–1442 (2020).

Note 3. Alexandra-Maria Klein et al., « Importance of pollinators in changing landscapes for world crops », Proceedings of the Royal Society B, vol. 274, no 1608, p. 303–313, octobre 2006.

Note 4. FAO Statistical Pocketbook : Coffee 2015, Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), Rome, 2015.

Note 5. Shalene Jha et al., « A Review of Ecosystem Services, Farmer Livelihoods, and Value Chains in Shade Coffee Agroecosystems », in W. Campbell et S. Lopez Ortiz (éd.), Integrating Agriculture, Conservation and Ecotourism: Examples from the Field, Dordrecht, Springer, 2011, p. 141–208.

Note 6. Liba Pejchar et al., « Net Effects of Birds in Agroecosystems », BioScience, vol. 68, no 11, novembre 2018, p. 896–904.

Note 7. Claire Brittain et al., « Synergistic effects of non-Apis bees and honey bees for pollination services », Proceedings of the Royal Society B, vol. 280, no 1754, 7 mars 2013.

Note 8. Rajinder Peshin et Ashok K. Dhawan (éd.), Integrated Pest Management. Volume 1: Innovation-Development Process, Dordrecht, Springer, 2009.

Note 9. Ola Lundin et al., « When ecosystem services interact: crop pollination benefits depend on the level of pest control », Proceedings of the Royal Society B, vol. 280, no 1753, 22 février 2013.

Note 10. Mario B. Pesendorfer et al., « Scatter-hoarding corvids as seed dispersers for oaks and pines: A review of a widely distributed mutualism and its utility to habitat restoration », The Condor, vol. 118, no 2, 1er mai 2016, p. 215–237.

Note 11. Desirée L. Narango et al., « Canopy tree preference by insectivorous birds in shade-coffee farms: Implications for migratory bird conservation », Biotropica, vol. 51, no 3, 27 mars 2019, p. 387-398.

Note 12. André Luíz Alves, « Influence of Environmental and Microclimate Factors on the Coffee Beans Quality (C. canephora): Correlation between Chemical Analysis and Stable Free Radicals », Agricultural Sciences, vol. 9, no 9, septembre 2018.

Note 13. P. F. Donald et al., « Agricultural intensification and the collapse of Europe’s farmland bird populations », Proceedings of the Royal Society B, vol. 268, no 1462, p. 303–313, 7 janvier 2001.

Note 14. R. J. Fuller et al., « The relevance of non-farmland habitats, uncropped areas and habitat diversity to the conservation of farmland birds », Ibis, vol. 146, no s2, novembre 2004, p. 22-31.


Entités nommées fréquentes : Proceedings, Royal Society.


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